Hépatite C : améliorer l’accès aux soins et les politiques de réduction des risques
Port Louis, 27 juillet 2022 – À Maurice, l’hépatite C est un enjeu majeur de santé publique, qui touche des milliers de personnes. Les progrès dans la prise en charge de l’hépatite C sont considérables depuis l’arrivée d’un nouveau traitement en 2019. Cette maladie « silencieuse », qui peut entraîner des graves complications hépatiques, peut aujourd’hui être traitée et guérie avec des médicaments efficaces et bien tolérés. L’évolution des antiviraux permet d’espérer une élimination de l’hépatite C d’ici 2030. C’est l’objectif fixé par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), que l’État mauricien s’est engagé à atteindre. Des mesures ont été prises pour rendre accessible le dépistage et le traitement de l’hépatite C. Malgré les efforts déployés, le chemin vers la fin de l’hépatite C reste encore long. Pour répondre à cet objectif de santé publique, nous devons non seulement améliorer l’offre et l’accès aux soins des populations affectées par l’hépatite C mais il est aussi nécessaire de revoir nos politiques en matière de réduction des risques. La Journée mondiale contre l’hépatite, observée le 28 juillet chaque année, est l’occasion de le rappeler.
Les populations clés plus exposées à l’hépatite C
Moins visible et moins connue, l’épidémie de l’hépatite C gagne du terrain. À Maurice en 2020, 3 386 personnes ont été diagnostiquées positives à l’hépatite C. Selon le ministre de la Santé, 4 403 patient·e·s ayant l’hépatite C ont été enregistré·e·s dans la base de données dudit ministère et de 2019 à juillet 2022, 1 077 patient·e·s ont terminé leur traitement.
L’hépatite C est un virus qui s’attaque au foie. La première infection peut passer inaperçue : elle est souvent asymptomatique. Avec le temps, elle peut entraîner des maladies graves, comme le cancer du foie. Le diagnostic précoce et le traitement peuvent contribuer à réduire ce risque. Cette épidémie affecte de manière disproportionnée les populations clés en raison des discriminations, de la stigmatisation, des lois qui réprimandent leurs activités et des inégalités. Comme le montre la dernière étude de surveillance biologique et comportementale menée par le ministère de la Santé et du Bien-être auprès des personnes qui s’injectent des drogues, en 2020 :
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La prévalence de l’hépatite C était de 89,2 % chez les personnes qui s’injectent des drogues.
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Chez les hommes qui s’injectent des drogues, le taux de prévalence était de 89 % contre 88 % chez les femmes.
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Chez les moins de 25 ans, un taux de prévalence de 86,8 % a été enregistré contre 89,7 % chez les plus de 25 ans.
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Entre 2009 et 2013, la prévalence de l’hépatite C est restée élevée (supérieure à 95 %) chez les personnes qui s’injectent des drogues.
Le rapport révèle qu’il y avait de nombreux cas anciens d’hépatite C parmi les personnes s’injectant activement des drogues, la plupart d’entre elles ayant commencé cette pratique il y a 17 ans en moyenne.
L’approche communautaire dans la prise en charge de l’hépatite C, un levier vers l’élimination
Les progrès dans la prise en charge de l’hépatite C sont remarquables depuis l’arrivée des nouveaux traitements qui traitent les variantes de l’hépatite C. Grâce à une collaboration entre le ministère de la Santé, les associations AILES et PILS, le dépistage, le traitement et le suivi des patient·e·s sont disponibles depuis 2021 dans ces deux structures communautaires. Ces efforts conjoints permettent aux populations clés d’accéder à ces avancées thérapeutiques. De plus, cette approche communautaire, soit l’implication des pair·e·s éducateur·rice·s et le renforcement de la collaboration entre le milieu hospitalier et associatif, permet d’améliorer la rétention dans le soin, impactant ainsi positivement la cascade de soin. Cette collaboration, rendue possible suivant un fort plaidoyer mené par PILS depuis 2017, peut être étendu à d’autres services dans la lutte contre le VIH.
Malheureusement, le traitement seul ne peut aider à éliminer cette épidémie silencieuse.
Pas d’élimination de l’hépatite sans la réduction des risques
La forte prévalence de l’hépatite C parmi les personnes qui s’injectent des drogues pose question, notamment par rapport à l’accessibilité aux programmes de réduction des risques. En effet, selon le dernier IBBS, le taux de participation aux programmes d’échanges de seringues reste très bas :
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Près de 90 % des hommes qui s’injectent des drogues avaient connaissance du programme d’échange de seringues, mais seulement 64 % y participaient, soit un écart de près de 25 %.
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Chez les femmes, la disparité entre la sensibilisation (85 %) et le recours (40 %) au programme d’échange de seringues était encore plus importante, soit un écart de 45 %.
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Seul un quart des femmes qui s’injectent des drogues est inscrit au programme d’échanges de seringues en 2020.
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Des 63 % des personnes qui avaient connaissance du programme d’échange
de seringues, seules 22 % d’entre elles l’avaient utilisé.
Le manque d’accessibilité au programme d’échange de seringues et une offre de matériel d’injection limitée sont des facteurs qui augmentent les prises de risques chez les personnes qui s’injectent des drogues et, par conséquent, l’infection par l’hépatite C et la réinfection chez celles et ceux déjà traité·e·s. L’étude IBBS indique que le partage de seringues et d’aiguilles reste une pratique courante parmi les personnes qui s’injectent et qui ont en moyenne 12 partenaires de partage.
Des mesures concrètes doivent être entreprises afin d’éliminer l’hépatite C, nous demandons :
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Revoir la Dangerous Drugs Act, notamment la section « paraphernalia » pour permettre d’agrandir l’offre de réduction des risques
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Augmenter la quantité de matériel distribué afin que les personnes qui s’injectent des drogues évitent ainsi une réinfection ou de transmettre le virus
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Revoir l’accessibilité aux programmes de réduction des risques, surtout les horaires et les informations requises pour accéder au programme
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Renforcer la sensibilisation auprès des personnes qui s’injectent des drogues et des populations à risque