Communiqué : Soutenez. Ne punissez pas.
Accès au traitement de substitution à la méthadone : des difficultés persistantes
Port-Louis, 24 juin 2022 – Le traitement de substitution à la méthadone a fait ses preuves à Maurice. Cependant, des obstacles perdurent et freinent son efficacité et, par là même, les objectifs de ce programme de réduction des risques mis en œuvre depuis 2006. À travers une note technique destinée aux parlementaires et une vidéo grand public, Prévention Information Lutte contre Le SIDA (PILS) continue son plaidoyer et s’attaque aux préjugés en vue d’améliorer le programme et ses résultats, notamment la prévention des overdoses, la baisse de transmission du VIH et de l’hépatite C, et la baisse de la criminalité. Ce traitement permet à ses usager·e·s, dont un certain nombre sont issu·e·s de poches de pauvreté, de retrouver un équilibre de vie et d’assumer leurs responsabilités personnelles et professionnelles.
Une session de dépistage et d’information est prévue pour la journée d’action du 26 juin à Riambel. PILS participera aussi au village associatif organisé par le Prime Minister’s Office, le 30 juin, à l’université de Technologie.
Ces actions s’inscrivent dans la campagne « Soutenir. Pa Pinir », « Soutenez. Ne punissez pas », organisée le 26 juin. Depuis dix ans, des milliers d’activistes dans le monde et à Maurice se mobilisent contre la « guerre à la drogue » et pour réclamer une réforme des politiques des drogues fondées sur la santé publique et les droits humains, tout en renforçant la capacité de mobilisation des communautés touchées et de leurs allié·e·s.
Les consommateur·rice·s de drogue injectable, toujours exposé·e·s face au VIH
Si des progrès ont été faits grâce à l’introduction des programmes de réduction des risques (échanges de seringues et programme de substitution à la méthadone), les usagers et usagères de drogues injectables sont encore aujourd’hui une population exposée face au VIH, dont le profil évolue depuis ces dernières années.
L’Integrated Biological and Behavioral Surveillance Survey (2020) mené par le National Aids Secretariat estime qu’il y a 6 600 usagers de drogue injectable actifs à Maurice. Ce chiffre comprend 5 500 hommes, 1 000 femmes et 100 personnes transgenres. Si l’on observe une diminution de l’infection à VIH chez les personnes qui s’injectent des drogues, on observe également une augmentation de la consommation de drogue par injection chez les femmes.
-
De 2017 à 2020, la prévalence du VIH chez les personnes usagères de drogue par injection a diminué de 32 % à 21 %, soit une baisse de 34 %.
-
En 2020, la prévalence du VIH était de 18 % chez les hommes qui s’injectent des drogues et de 32 % chez les femmes usagères de drogue par injection.
-
La prévalence du VIH chez les hommes UDI a chuté de 45 % de 2017 à 2020, passant de 33 % à 18 %.
-
Une légère hausse a été observée concernant la prévalence du VIH chez les femmes UDI entre 2017 (29 %) et 2020 (32 %), soit de 10 %.
-
La prévalence du VIH chez les consommateur·rice·s de drogue injectables âgé·e·s de moins de 25 ans était de 10 % contre 23 % chez les 25 ans et plus.
La prévalence de l’hépatite C chez les hommes qui s’injectent des drogues était de 89 %, contre 88 % chez les femmes.
La réduction des risques pour mieux répondre aux enjeux du VIH et des hépatites virales
Les programmes de réduction des risques ont été officiellement mis en place en 2006 à Maurice dans un contexte où l’infection à VIH touchait majoritairement les consommateur·rice·s de drogue injectables. Cette approche a permis d’apporter une nouvelle compréhension sur la prise en charge des addictions où l’on accepte que l’abstinence et l’éradication des drogues comme seuls moyens de soin et de prévention ne fonctionnent pas.
Les programmes de réductions des risques ne se sont pas implantés sans accroche dans la société mauricienne. Qu’à cela ne tienne, ils ont fait leurs preuves, le taux de nouvelles infections au VIH passant de 92 % en 2005 à 22 % en 2020 chez les usagers et usagères de drogue par injection. Malgré les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé et l’efficacité de ce traitement, son introduction dans les centres de santé est encore aujourd’hui accueillie avec beaucoup de difficulté, notamment par le corps médical.
Les personnes usagères de drogue par injection rencontrent des problèmes d’accès au matériel stérile et au traitement de maintien à la méthadone. Selon le dernier IBBS les concernant, 53 % d’entre elles ont confirmé avoir déjà échangé des seringues usagées. Des 6 600 personnes qui s’injectent des drogues répertoriées, seules 37 % étaient inscrites au programme d’échange de seringues.
Ces chiffres indiquent que les populations d’injecteur·rice·s de drogues restent encore éloignées des services de réduction des risques et des soins.
Par ailleurs, 40 % des UDI affirment n’avoir pas fait de test de dépistage durant ces 12 derniers mois.
À décembre 2021, 6 453 bénéficiaires étaient sous traitement de substitution à la méthadone. La dispensation est effectuée quotidiennement, entre 6 heures et 8 heures, sur 44 sites, dont 13 se trouvent dans des établissements de santé, 23 dans des postes de police et 4 dans les services pénitentiaires.
Or, la dispensation de la méthadone devant les postes de police ne respecte pas le droit à la confidentialité et ne permet pas une prise en charge optimale des personnes qui souffrent d’addiction. Elle augmente non seulement la stigmatisation de ce traitement mais aussi la discrimination envers les personnes consommateur·rice·s de drogue. De plus, les horaires de dispensation stricts sont parfois contraignants pour de nombreuses personnes, notamment en temps de confinement et lors d’avis cyclonique, ce qui met en péril leur traitement.
Avec la politique de répression en vigueur à Maurice, les personnes usagères de drogues par injection font souvent face à des arrestations policières. Selon la dernière étude nationale IBBS, 81 % des personnes interrogées ont affirmé avoir déjà été arrêtées par la police, dont 64 % pour des problèmes de drogues. Parmi celles et ceux qui ont déjà été arrêté·e·s, 76 % ont déjà été envoyés en détention. La criminalisation renforce la stigmatisation et éloigne ces personnes des centres de santé et des programmes de RdR. Parce que les délits pour lesquels ils et elles ont été condamné·e·s figurent sur le certificat de caractère, leurs possibilités d’avoir un travail décent sont limitées. Ce qui par la suite les entraîne dans la précarité. Les remontées terrain indiquent que la situation financière de ces populations déjà précaires s’est davantage dégradée à cause de la pandémie de Covid-19.
Lever les barrières à la réduction des risques
L’amélioration des programmes de méthadone et d’échanges de seringues ne peuvent pas être uniquement l’affaire des associations de lutte contre le VIH, de la AIDS Unit, de la Harm Reduction Unit et du National AIDS Secretariat, des structures aux moyens souvent limités. L’addiction est une question de santé publique et il est impératif de se donner les moyens, de développer de meilleurs services qui se déploient dans différentes sphères – soins, insertion sociale, prévention – et d’ouvrir l’accès de ces programmes aux jeunes, aux femmes et aux personnes les vulnérables.
Pour y arriver, de nouvelles synergies doivent se créer entre les différents acteurs mais surtout, la parole des personnes concernées doit être respectée et prise en compte. Prendre en compte leur parole comme expert·e·s communautaires en capacité de contribuer à l’évolution des politiques de drogues, à la prise en charge et à la prévention.
Afin d’améliorer le système de santé et la prise en charge des personnes qui s’injectent des drogues, nous demandons :
-
Revoir les lois et les politiques de drogues afin de pouvoir élargir les services de réduction des risques, notamment la distribution de matériel d’injection pour éviter les transmissions du VIH et de l’hépatite C
-
Cesser la dispensation de la méthadone devant les postes de police et la relocaliser dans les centres de soins tout en assurant la formation et la sécurité du personnel soignant afin que le service soit plus efficace
-
Mettre en place des programmes de réduction des risques adaptés et accessibles aux femmes et aux jeunes
-
Améliorer la prise en charge des patient·e·s qui s’inscrivent au programme de maintenance à la méthadone de l’induction jusqu’à la mise sous traitement
-
Étendre les horaires de dispensation de la méthadone afin de pouvoir accommoder un plus grand nombre de patient·e·s
-
Financer les programmes de réduction des risques et les services de soins
-
Reconnaître l’expertise communautaire et inclure les personnes concernées dans les prises de décision
À propos de PILS : Fondée en 1996, PILS est une association de lutte contre le sida. Notre mission première d’être une structure de soutien aux personnes vivant avec le VIH à Maurice a évolué pour inclure également celle de représenter, mobiliser et renforcer les ONG et les communautés vulnérables de Maurice pour qu’elles militent, à travers le plaidoyer, pour un engagement politique, pour améliorer la réponse nationale au VIH et aux hépatites virales dans un environnement favorable au niveau national, régional et mondial, et pour mettre fin à la stigmatisation et aux discriminations des personnes infectées, affectées ou vulnérables au VIH et aux hépatites virales.
À propos de la campagne : « Soutenir. Pa Pinir », « Support. Don’t punish », est une campagne mondiale lancée en 2013 qui réclame des politiques en matière de drogues fondées sur la santé et les droits humains. La campagne plaide pour la fin des politiques de lutte contre la drogue axées sur la répression, la fin de la criminalisation des personnes qui consomment des drogues et l’augmentation des investissements dans des mesures de réduction des risques efficaces et rentables. Pour plus d’informations sur les activités de cette année, consultez le site : https://supportdontpunish.org/fr/join/
Contact presse
Rachèle Bhoyroo
54564057
TRANSLATE with
x
English
TRANSLATE with ![]()
COPY THE URL BELOW
Tagged under:
drogues, harm reduction, hepatite C, IBBS, ile maurice, mauritius, méthadone, reduction des risques, vih