Patrice Monvoisin, président de PILS : «Qu’il s’agisse de la Covid-19 ou du VIH, la santé est un droit pour tous»
PILS a inauguré son centre bas seuil « Nou Vi La » à l’occasion de la Journée mondiale de la lutte contre le sida. Dépistage, accompagnement, soins, écoute… Ce nouveau lieu de vie pour les usagers-ères de nos services, situé à quelques dizaines de mètres de notre siège social à Port-Louis, a pu être concrétisé cette année grâce aux fonds débloqués par Coalition PLUS.
Ce centre médical psychosocial a été mis en place pour et avec les communautés que nous touchons, car ils/elles sont acteurs-trices dans la lutte contre les épidémies de VIH et d’hépatites virales.
La cérémonie a eu lieu en présence de nos différents partenaires sur le plan local mais aussi international, le 1er décembre 2020. Nous vous partageons le discours prononcé par Patrice Monvoisin, président du consei d’administration de Coalition PLUS.
« Madame l’ambassadrice de France,
Monsieur l’ambassadeur des États-Unis,
Monsieur l’ambassadeur de l’Union européenne,
Monsieur le représentant de l’OMS à Maurice,
Chers partenaires,
Distingués invités,
Chaque année, la Journée mondiale de la lutte contre le sida est l’occasion de nous souvenir de celles et ceux affectés par le VIH et de celles et ceux morts des conséquences du sida. C’est aussi l’occasion de mettre en lumière des actions encore plus inclusives et innovantes, comme le centre Nou Vi La.
Mais d’abord, un constat, pour moi qui cumule 15 ans d’activisme et cinq ans sur le conseil d’administration de PILS, que je préside. Les personnels de santé ne sont toujours pas suffisamment formés sur le VIH et sa prise en charge, les personnes vivant avec le VIH sont toujours stigmatisées et discriminées. En outre, la situation s’aggrave. Les progrès réalisés entre 2010 et 2015 ont été inversés entre 2015 et 2019 : les décès liés au sida sont en hausse, idem pour les nouvelles infections par le VIH. Le constat est d’autant plus amer que l’épidémie se généralise : près de deux tiers des nouvelles infections en 2019 concernent des personnes hétérosexuelles, en particulier des jeunes de 15 à 24 ans.
Nous payons aujourd’hui le prix fort des politiques désastreuses mises en place par le ministère de la Santé en 2015, des politiques que PILS et ses partenaires de la société civile ont fortement dénoncées, malgré les attaques que nous subissions. En tant qu’ONG, nous sommes là pour travailler en complémentarité avec l’État, à la fois en dénonçant les lacunes et dysfonctionnements, et en proposant des pistes d’amélioration. Cela implique aussi que chaque partenaire puisse être à l’écoute de l’autre, sans crainte et sans jugement. Cela implique que l’État prenne mieux en compte, dans ses stratégies nationales, dans ses programmes, la voix des personnes plus marginalisées, et donc les plus vulnérables au VIH. Rien ne peut ni ne doit se faire sans elles.
Nous faisons face à de nouveaux enjeux pour l’année 2021. La question de l’éducation sexuelle et affective chez les jeunes se pose. Tout comme celle de la criminalisation des populations les plus vulnérables au VIH. Si Maurice souhaite inverser la tendance actuelle et rattraper son retard, on ne peut pas faire l’économie d’une amélioration de la prise en charge, y compris en milieu carcéral. Et nous espérons, pour cela, pouvoir continuer à compter sur le Dr Catherine Gaud, et sur son expérience de quelque trois décennies dans la lutte contre le VIH.
Une prise en charge de qualité, donc, qui s’appuierait fortement sur le dépistage démédicalisé et sur la délégation des tâches vers les associations communautaires, qui ont l’expertise et l’expérience. C’est déterminant si l’on veut maintenir dans le soin les personnes vivant avec le VIH, et donc zéro transmission sexuelle du virus.
La question de l’augmentation du financement, par l’État mauricien, de la lutte contre le VIH se posera également. Or, Maurice étant désormais classé pays à haut revenu, il faudra s’attendre à la fin de certains financements internationaux.
Face à ces défis, nous gardons espoir. La médecine continue de faire des progrès. Maurice propose gratuitement la PrEP, traitement de prévention qui protège contre l’infection par le VIH. Le ministère de la Santé a repris le dialogue et la collaboration avec les ONG depuis quelque temps, et il n’a pas négligé le VIH dans son plan stratégique global 2020-2024. Les autorités se sont engagées, à travers le Drug Offenders Administrative Panel, à étudier le modèle du Portugal en matière de politique de drogues.
Et si l’année 2020 a été particulièrement difficile à cause de la pandémie de la Covid-19, cette crise a aussi mis en lumière notre résilience et notre solidarité face à l’adversité. C’est d’ailleurs pour cela que ce 1er-Décembre est placé sous le thème « Solidarité mondiale et responsabilité partagée ».
Au sein de notre asssociation, la Covid-19 nous a non seulement obligés à nous réadapter pour assurer la continuité des services, grâce notamment au travail formidable mené par la Task Force de PILS mise en place par nos équipes pendant le confinement. Plus largement, elle a mobilisé les décideurs sur la nécessité de systèmes de santé robustes ; sur l’urgence de réduire les inégalités et les violences, qui sont des freins pour accéder aux soins. Pour gérer cette nouvelle pandémie, on peut et on doit tirer des leçons des décennies de lutte contre le VIH. Car qu’il s’agisse de la Covid-19 ou du VIH, un principe fondamental demeure : la santé est un droit, pour tous. »