Plaidoyer
LA PLACE DU PLAIDOYER CHEZ PILS
Le plaidoyer consiste à exercer une influence sur les décideurs, et sur l’opinion publique, afin de faire évoluer des politiques publiques. Cette influence peut être obtenue à travers des rencontres avec les décideurs et autres personnes influentes, un travail structuré avec les médias, des campagnes publiques entre autres. Dans le cas de PILS, nous voulons changer certaines politiques de santé, par exemple, afin que nous ayons une meilleure gestion nationale du VIH. Le plaidoyer fait partie de la mission de PILS et forme une composante importante du travail de l’association.
La particularité du profil des Personnes Vivant avec le VIH (PVVIH) à Maurice est en lien direct avec leurs multiples vulnérabilités sociales (prison, dépendance, coïnfection au virus de l’Hépatite C), compte tenu du fait que la majorité des transmissions se fait parmi la population de personnes qui s’injectent des drogues. Cela influence grandement les différents axes de plaidoyer portés par PILS, avec pour dénominateur commun le respect des droits humains.
LES GRANDS THÈMES ACTUELS DU PLAIDOYER
La révision de la loi sur l’immigration
La loi discriminatoire sur l’immigration rend obligatoire le test du VIH pour les étrangers souhaitant résider ou travailler à Maurice, et la déportation de ceux dont le test serait positif. Après la visite de Michel Sidibé à Maurice en avril 2014, le gouvernement d’alors avait pris la décision de revoir la loi sur l’immigration. Cependant, depuis la prise de position du nouveau gouvernement fin 2014, cette lutte s’est avérée encore plus dure.
Le cas de Cynthia (prénom fictif) le démontre. Cette étudiante camerounaise était menacée d’expulsion à cause de son statut positif au VIH. Le permis de séjour de cette jeune femme lui avait été refusé et des actions légales ont dû être enclenchées. PILS a finalement pu obtenir de la cour l’autorisation pour elle de rester et de poursuivre ses études bien que la loi sur l’immigration n’ait pas été revu.
Le traitement du virus de l’Hépatite C (VHC)
La co-infection VIH-VHC est au centre des préoccupations dans le monde. A Maurice, 96% des personnes qui s’injectent des drogues (PID), est atteinte du VHC. PILS a donc décidé d’inclure la question de l’Hépatite C dans son plan stratégique, notamment à travers les actions suivantes:
- Un réseau de plaidoyer pour l’introduction du traitement de l’hépatite C a été mis en place. Ce réseau comprend des ONG travaillant avec les populations clés, et d’autres ONG œuvrant dans le secteur de la santé ont été invitées à s’y joindre.
- PILS a rejoint en 2015 le World Hepatitis Alliance, permettant de porter le plaidoyer à un niveau international.
- Depuis l’introduction du traitement en à Maurice, PILS continue son plaidoyer pour améliorer le dépistage de l’hépatite C, encourager l’accès aux traitements et la prise en charge de ceux infectés par l’hépatite C.
La réforme des lois sur les drogues
Les drogues ont à Maurice un impact énorme sur le pays plaçant des milliers de Mauriciens dans une situation de vulnérabilité face au VIH, aux hépatites, et autres complications sanitaires et sociales. PILS souhaite un débat ouvert et objectif sur la politique des drogues au niveau national et international.
- Depuis 2013, PILS a donc rejoint de plein pied le plaidoyer mené au niveau mondial sur la révision des politiques autour des drogues, notamment en participant chaque année à la Campagne “Support Don’t Punish” mené par son partenaire CUT.
- En 2015, deux études ont aussi été commanditées par PILS par le biais de bureaux d’études spécialisés. Pour la première, l’objectif était d’enquêter sur le rapport coût-efficacité des politiques de drogues à Maurice, tandis que la seconde est une étude plus vaste enquêtant sur la perception du grand public sur les drogues, l’usage de drogues et les politiques de drogues à Maurice. Les éléments de ces études servent de base pour mener un plaidoyer basé sur des évidences.
- L’UNGASS (United Nations General Assembly Special Session) sur les drogues a eu lieu en 2016 à New York. Un groupe de travail (Civil Society Taskforce) a ainsi été créé par les Nations Unies. La chargée de plaidoyer de PILS était une des 2 représentantes de la société civile africaine sur cette Taskforce. Elle a animé des sessions dans une dizaine de pays de la région, afin de faire remonter la voix de la société civile à l’assemblée spéciale des Nations Unies.
- En 2016, PILS a fait un plaidoyer auprès de la Commission Globale Pour la Politique des drogues afin qu’elle fasse une visite diplomatique à Maurice, et en juillet, cette Commission, menée par Ruth Dreifuss, ancienne présidente Suisse, a fait un passage chez nous. Lors des rencontres avec les membres du gouvernement et la société civile, la Commission a formulé des recommandations pour réformer les lois sur les drogues, promouvant moins de répression.
- En 2017, PILS participe à un débat public sur la question du changement des lois autour du cannabis. Suite à cela, le leader du principal parti d’opposition au sein du parlement demandera un débat national sur cette question.
La Réduction des Risques
La réduction des risques par rapport aux drogues est un moyen d’offrir des services sanitaire et sociaux aux usagers de drogues, afin de “limiter la casse”, de réduire les risques liés à cette consommation. Des exemples sont le programme d’échange de seringues: un moyen pour les personnes qui s’injectent de se protéger du VIH, des hépatites, et des complication liées à l’utilisation de seringues usagées.
Depuis 2006, les actions de plaidoyer autour du programme d’échange de seringues et de méthadone sont menées par la société civile. Ce combat acharné se poursuit encore aujourd’hui.
- Au début 2015, malgré la forte concentration des personnes vivant avec le VIH chez les injecteurs de drogue, l’Etat a décidé de décentraliser certains sites de dispensation de la méthadone dans une caravane située devant des postes de police, ce qui constituait un nouveau frein dans l’accès des personnes concernées aux services de santé. Les nouvelles inscriptions au programme de méthadone avaient également été suspendues pour être remplacé par le suboxone et la naltrexone. En 2017, après un vibrant plaidoyer de la société civile, le nouveau Ministre de la Santé réintroduit ce programme.
- Depuis 2015, diverses barrières à l’accès aux seringues propres pour les injecteurs de drogue sont notées: nombre trop limité de seringues offertes par le MOHQL pour le programme de seringues, menace d’enlever l’autorisation d’ONGs opérant sur le programme d’échange de seringues, exigences du MOHQL à ces ONGs de noter et de communiquer les détails personnels des personnes utilisant ces services aux autorités, pratique allant à l’encontre des recommandations d’organisations internationales telles que l’ONUSIDA, l’OMS ou l’ONUDC.
Le plaidoyer communautaire
En plus de son soutien dans les campagnes et événements initiées par des ONG partenaires sur des thématiques de défense des droits humains (à l’exemple de La Marche de l’ONG Parapluie Rouge, la Marche des Fiertés, Support Don’t Punish ou le International AIDS Candlelight Memorial), PILS soutient les prises de consciences et le plaidoyer communautaire à différents niveaux:
- Country Coordinating Mechanism
Dans l’idée de créer plus d’implication des populations clés dans les programmes et activités les concernant, PILS travaille auprès des représentants des populations clé sur le Country Coordinating
Mechanism (CCM- organisme national chargé de veiller à la mise en place et au bon déroulement des programmes du Fonds mondial). Le but est que ces représentants soient en mesure de mieux comprendre leur rôle sur le CCM afin de faire remonter leurs problèmes. Ces personnes bénéficient d’un accompagnement et d’un suivi pour qu’elles aient les outils nécessaires pour plaider en faveur de leurs pairs. L’objectif final est que l’accès aux services de santé soit facilité sur le terrain. Cela est fait à travers une présence renforcée de la société civile sur le CCM. Pour cela, les populations clés reçoivent des formations afin qu’ils défendent mieux les services les concernant.
- Dépistage Communautaire sur le terrain
Le dépistage communautaire permet à un personnel non-médical comme un pair-éducateur ou un travailleur de terrain de réaliser un test rapide du VIH et offrir un counselling. Cette démarche s’inscrit dans l’optique de l’ONUSIDA de mettre fin à l’épidémie à travers l’objectif 90-90-90, à savoir 90 % des personnes vivant avec le VIH qui connaissent leur état sérologique vis-à-vis du VIH, 90 % de ces personnes ayant accès au traitement et 90 % des personnes sous traitement avec une charge virale indétectable. Il était donc important qu’un maximum de personnes travaillant au contact des populations clés puissent effectuer des tests. Cependant, l’offre de dépistage a longtemps été réservé offert exclusivement par le MOHQL. En 2014, après plusieurs années de plaidoyer par la société civile, le MOHQL ouvre les formations pour le dépistage aux ONGs, permettant ainsi le développement du dépistage communautaire à Maurice, sur le terrain, là où se trouvent les personnes concernées.
- Community Health Advocates
Depuis le début de février 2017, un programme de Community Health Advocates (CHA) a été lancé, piloté par la Coordinatrice de Plaidoyer en Santé Communautaire. Ce programme vise à former des membres d’une communauté géographique sur des thématiques précises telles que le VIH, les hépatites virales, les drogues et autres. Ces CHA sont ensuite responsables d’aller à la rencontre des membres de leurs communautés afin de les éduquer sur ces sujets et de renforcer le lien entre PILS et le reste de la société civile.
LES GRANDS MOMENTS DU PLAIDOYER À MAURICE
1999 : Maurice se procure les antirétroviraux (ARV), mais uniquement pour prévenir la transmission de la mère à l’enfant ou après une exposition accidentelle au sang, le PEP, Post-Exposure Prophylaxis.
2002 : Le traitement ARV gratuit est mis à disposition de toutes les Personnes Vivant avec le VIH indistinctement.
2006 : Les premières actions de plaidoyer autour du programme d’échange de seringues et de méthadone sont menées par la société civile qui lance illégalement les premiers échanges de seringues. La même année, le HIV&AIDS Act est voté et la ségrégation des détenus est éliminée.
2006-2007 : Les programmes de réduction de risques (traitement de substitution à méthadone et programme d’échange de seringues) sont soutenus par le ministère de la Santé et de la Qualité de la vie.
2008 : Le Civil Status Act est amendé en vue d’autoriser le mariage entre un étranger vivant avec le VIH et un citoyen mauricien.
2014: Les formations pour le dépistage sont ouvertes aux ONGs, lançant ainsi le développement du dépistage communautaire et démédicalisé à Maurice.
2017 : Après l’arrêt de l’induction au programme de méthadone durant 2 ans par les autorités, le Ministère réintroduit ce programme après un vibrant plaidoyer de la société civile.